[Remaster] Bienvenue dans l'Ordre
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[Remaster] Bienvenue dans l'Ordre
- Résumé:
- L'Ordre
Bienvenue dans l'Ordre
Lorsque Soleil, Celsius, Pression, Électrique ainsi que 87 autres adolescents au nom étrange se réveillent, ils n'ont aucun souvenir de leur vie antérieure. Tout ce qu'ils savent est qu'ils sont désormais dans "l'Ordre", une mystérieuse organisation remplie d'étranges personnes aux capacités surnaturelles.
Soleil et ses amis s'habituent vite à la vie au sein de l'Ordre. Ils sont nourris, logés, éduqués et possèdent énormément de temps libre, mais au fur et à mesure que l'année avance, ils ne peuvent s'empêcher de se poser une multitude de questions :
Qu'est-ce que l'Ordre ? Pourquoi refuse-t-on de leur parler du monde extérieur ? Et surtout : et si les agents de l'Ordre n'étaient pas si bons qu'on essayait de leur faire croire ?
L'histoire de Soleil et des G4, au début d'un voyage rempli de mystères.
Bonjour.
Il y 1 an et demi, j'ai commencé à écrire une fanfic MLP : L'ordre.
Cette histoire, dont le premier chapitre fut publié en avril 2016 s'est terminé en février de l'année suivante et cumulant 23 chapitres au total, racontait les péripéties de Solar Blade et ses amis.
Mais maintenant, le temps est venu pour la vrai histoire. Plus de poneys, plus de magie (pas vraiment), seulement un groupe d'adolescents tentant d'échapper à leur destin dans un monde apocalyptique.
L'Ordre et la fanfic sont deux histoires totalement différentes, mais sachez que la plupart des personnages présents sont inspirés d'OCs de cette dernière, libre à vous de la lire et de relever les ressemblances entre les deux versions.
En espérant obtenir des retours positifs, il n'y a rien de tel pour me motiver !
- Bonus:
Dernière édition par kolpox le Lun 28 Oct - 19:13, édité 3 fois
kolpox- RolePlayer
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Prologue
- Prologue:
- L'Ordre
Prologue
Il était dix-huit heure. L'immeuble des rouges était plein de vie. Quelqu'un avait apporté sa chaise près de l'entrée principale, fermée, pour prendre une pause dans son travail.
L'homme était frêle, avait des cheveux châtains dont il aurait mieux fait de s'occuper au moins une fois dans l'année, et semblait très fatigué par la journée de travail qu'il venait d'accomplir.
Plus loin dans le bâtiment, trois adolescents faisaient connaissance avec les grands. N'étant là que depuis une semaine, certains ne s'étaient toujours pas faits à l'endroit. Ils avaient de quoi : là d'où ils venaient, tout était beau, tout était propre. C'était bien différent de ce lieu semblant prêt à tomber en ruines.
- Les G3 sont toujours en train de poser des questions ?
Une femme s'approcha de lui, regardant le même spectacle. Il soupira.
- Ouais. J'ai pas eu une seule seconde de répit aujourd'hui. La prochaine fois je laisserai Fer se débrouiller avec les présentations.
- Et où sont les autres, ceux qui n'ont plus peur de tomber face à un agent ou une sentinelle ?
- Dehors, avec Étoile, Flamme et Fer. Tu ne veux pas les rejoindre ?
- Magnétique, on est à l'étroit ici, mais tu sais qu'aller dehors me déprime. En plus, je déteste les nouveaux. Il ne savent rien et se croient quand-même tout puissants.
Le dénommé Magnétique tourna la tête, pour voir que la femme s'était assise par terre, à côté de lui.
- On verra quand ce sera au tour des G4, lâcha t-il avec une pointe de malice dans la voix. Tu étais sensée t'occuper de quoi, déjà ?
- Prof de sport. Mais Quantique s'en chargera mieux que moi.
- Si elle ne les tue pas avant, cette fille est folle.
Magnétique leva son poignet gauche devant son visage pour consulter une montre numérique.
- C'est l'heure. Tu peux m'aider à soulever la planche ?
La fille ne répondit pas et se contenta de lever les yeux au ciel. Elle se remit debout et se dirigea vers la lourde porte en métal séparant l'intérieur de l'extérieur.
L'entrée comportait deux battants. Une lourde planche était posée sur des crochets pour empêcher toute intrusion "d'indésirables". Plus de la moitié des résidents ne pouvaient pas dormir sans cette garantie, mais les bras de Magnétique, eux, souffraient à chaque fois que quelqu'un devait rentrer où sortir.
- Sérieusement, c'est quand qu'on remplace cette planche ? se plaignit-il. Depuis que Fer a éclaté la barre de métal, on est obligé d'utiliser ce bout de bois plus lourd et moins solide. Je peux pas faire voler le bois, moi !
- On a autre chose à faire que de s'occuper de ton confort personnel, répondit la femme. Alors tais-toi et soulève.
Chacun se plaça d'un côté de la porte, se préparant à attraper le lourd morceau de bois. Magnétique commença le compte à rebours.
- À trois. Un... Deux...
Soudain, la porte vola en éclats. Des cris de surprise se firent entendre. Magnétique eut le réflexe de se couvrir le visage pour se protéger des débris puis se précipita pour voir ce qui avait put causer de tels dégâts. Sa réponse lui fut vite donnée : un homme se tenait dans l'encadrement de la porte. Il le reconnu immédiatement : il s'agissait de Fer, leur leader.
Fer paraissait essoufflé, ce qui était assez logique après ce qu'il venait de d'accomplir, mais il semblait par dessus tout paniqué. Dès qu'il aperçu le garçon devant lui, il se précipita pour l'agripper par les épaules.
- Magnétique, ils sont là ! lança-t-il. Étoile et Flamme sont restées le temps que je vous avertisse. Prenez le nécessaire et filez jusqu'à la base de repli !
Fer relâcha Magnétique avant de répéter son message en criant, pour s'assurer que tout le monde l'entende. Aussitôt, des hurlements de panique retentirent. La paisible communauté se transforma en un remue-ménage infernal. Il se tourna ensuite vers la femme qui avait adressé la parole à Magnétique, tentant visiblement de maitriser ses tremblements.
- Ombre, tu prends le commandement jusqu'à mon retour.
Ombre croisa les bras, visiblement agacée.
- Qui est-ce qu'il y a là bas ?
Fer baissa les yeux, devinant probablement ce qu'elle lui répondrait après ce qu'il allait dire.
- Trois premiers, expliqua-t-il. Les plus dangereux, et la leader G2. Ils ne sont pas nombreux, c'est pour ça qu'on ne les a pas repérés plus tôt, mais je mettrais ma main à couper que des renforts sont en chemin. Si on les affronte maintenant, ce sera un véritable massacre.
- Tu sais que c'est du suicide. Tu n'as jamais réussi à battre plus de deux premiers en même temps, même avec Étoile. Et Flamme ne fera pas la différence.
Fer ignora la remarque et sortit un petit objet de la poche de son jean. Il le tendit à son interlocutrice.
- Ils ont eut les gamins. Alors si jamais tu le revois, donne-lui ça.
Cette requête énerva Ombre, mais elle saisit tout de même l'objet.
- Les chances qu'il vive sont infimes. Arrête tes conneries, Fer !
Mais l'homme s'était déjà élancé pour aller prêter main-forte à Flamme et Étoile. Pour rien au monde il ne pourrait abandonner cette dernière à son sort. Rien ne l'en empêcherait, pas même eux.*
Fer dévala une pente de gravas puis s'élança dans les chemins tortueux de la ville en ruines en sprint. Il courut ainsi sur une centaine de mètres en évitant les débris et les ordures abandonnées avant de déboucher sur ce qui avait autrefois été un parking.
Là, deux femmes étaient aux prises avec trois personnes. Une quatrième personne, un homme, restait en retrait, en simple spectateur. Ce dernier tourna la tête vers Fer. Son visage était inexpressif, et pourtant terrifiant.
Au même moment, Flamme, une femme au teint cuivré, tomba en avant à cause d'un coup de pied d'un de ses adversaire. À deux contre une, la pauvre n'avait aucune chance. Elle fut finalement réceptionnée par une main venant se coller délicatement sur son torse. Cette main appartenait à une autre femme que Fer reconnu, il devina immédiatement la suite des évènements.
- Percée ! lança-t-il dans l'espoir de détourner l'attention de la combattante.
Elle détourna les yeux vers lui, mais n'arrêta pas son geste. Une gerbe se sang surgit violemment du dos de Flamme. Elle hurla, avant de s'effondrer au sol.
Le sang de Fer ne fit qu'un tour. Il se jeta en avant et parcouru une dizaine de mètres de criant sa colère. Son poing vint percuter l'assassine au visage. Un craquement sonore résonna, en même temps qu'un bruit métallique.
Soudain, alors qu'il s'apprêtait à enchainer avec un autre coup, Fer s'effondra au sol, ses jambes refusant tout à coup de le porter. Percée recula précipitamment et porta ses mains à son visage, tentant d'empêcher son nez de la vider entièrement de son sang. Le visage à présent dans le sol, Fer ne put distinguer la suite des évènements. Après cinq secondes à tenter de faire à nouveau fonctionner ses jambes. Il se décida à relever la tête.
Percée se tenait là, juste devant lui, sans la moindre égratignure. Fer vit sa jambe partir en arrière, pour brusquement lui revenir en plein visage. L'impact fut si violent qu'il en fut retourné alors qu'il sentit quelque chose craquer là où se situait on nez. À présent sur le dos, il put constater qu'Étoile avait également perdu son combat. Elle se tenait là, à moitié étranglée par une femme au cheveux blonds et au sourire meurtrier.
Un homme rentra dans son champ de vision. Un homme terrifiant. Il était entièrement vêtu de noir. Ses cheveux étaient blancs, ses yeux étaient rouges. Il regarda Étoile, se débattant toujours pour obtenir un minimum d'oxygène, puis reporta son attention sur Fer, toujours impuissant.
- Le plus puissant des premiers... Murmura-t-il. Tu savais ce qui t'attendais.
Sur ces mots, il tourna la tête vers la geôlière d'Étoile et hocha la tête. Le sourire de la femme se transforma en un effrayant rictus. Retenant fermement sa prisonnière avec le bras droit, elle brandit sa main libre, et, tel un fantôme, la fit passer comme par magie au travers du corps de la femme. Étoile dut remarquer toute la terreur dans le regard de Fer, car elle baissa aussitôt les yeux, pour remarquer que le bras fantôme ressortait pile au milieu de sa poitrine.
Une lueur meurtrière brilla dans le regard de la blonde. Soudain, le sang gicla. Étoile hurla sa souffrance, Fer son désespoir. Quelques secondes passèrent. Étoile hoqueta, les yeux remplis de larmes et de terreur. Elle fixa l'homme qu'elle aimait encore au sol, le temps que la vie ne s'échappe de ses yeux.
La meurtrière se dégagea de son corps d'un mouvement de bras. Celle qui était autrefois pleine de vie tomba lourdement par terre, les yeux toujours ouverts, un filet de sang coulant du coin de ses lèvres, la peur gravée à tout jamais sur son visage.
L'homme aux cheveux blancs tendit la paume de sa main vers le visage de Fer.
- Le plus puissant des premiers, répéta-t-il. Tu aurais pu faire tellement plus.
Les larmes se mêlant au sang, Fer cracha :
- Tout le monde s'est enfui. Même sans moi, ils trouveront un moyen surmonter cette épreuve !
- Malheureusement pour toi... Quoi qu'il se passe, tu ne seras plus là pour le voir.
Soudain, le jeune homme éprouva une douleur déchirante dans l'entièreté de son corps, il tenta de résister, mais la souffrance était trop forte, et son esprit déjà brisé céda rapidement.*
Une lumière blanche s'échappa du visage de Fer, pour venir rejoindre la main de l'albinos. Le jeune homme se raidit, son regard devint vitreux, puis il retomba mollement.
L'individu se massa la main et se retourna vers un autre homme. Il demanda :
- Est-ce qu'on sait où ils sont partis ?
- Nan, ils ont sûrement une base de repli dans un autre secteur de la ville. Sinon, on fait quoi des gamins qu'on a attrapé ?
- Combien il y en a-t-il ?
L'intéressé se retourna. À une quinzaine de mètres de là, un groupe de jeunes dormait d'un sommeil peu naturel par terre.
- Seize en tout. Quinze G3 et un môme qui a l'air d'avoir environs quatre ans, répondit-il.
- Très bien. Tuez les agents.
L'albinos se détourna et regarda en direction de l'ancien repaire de ses ennemis. Cela ne servait plus à rien de continuer, car ils avaient déjà dû s'enfuir dans ce décors urbain sans la moindre once de végétation. Le béton était omniprésent, ce lieu était mort, désert. L'homme baissa les yeux et fixa son poing. Il avait fait tellement de sacrifices qu'il arrivait à peine à se souvenir quand tout cela avait commencé. Pourtant, il était convaincu que cela était nécessaire au bien commun. Mais pour le moment, il devait se préparer pour la suite. Presque deux nouvelles années à se demander combien rejoindraient leur cause, et combien les trahiraient.
Le temps de la quatrième génération était venu.
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Re: [Remaster] Bienvenue dans l'Ordre
Eeeeeet... C'est vrai que j'avais complètement oublié le forum depuis... ça fait combien de temps ? Un an ? Deux ans ? C'est bien possible que ça fasse deux ans.
Depuis que j'ai écris le prologue, beauuuucoup de temps s'est écoulé, tellement que... ben j'ai fini l'histoire en fait.
Mais j'ai quand-même envie de vous la partager, parce que c'est un peu grâce à vous qu'elle existe, hein, alors enjoy !
Depuis que j'ai écris le prologue, beauuuucoup de temps s'est écoulé, tellement que... ben j'ai fini l'histoire en fait.
Mais j'ai quand-même envie de vous la partager, parce que c'est un peu grâce à vous qu'elle existe, hein, alors enjoy !
- Couverture:
- Couverture partie 1:
- Chapitre 1:
- Bienvenue dans l'Ordre
1
Aube
Il fut réveillé par la sensation de l'herbe fraîche du matin sous sa joue. Il ouvrit les yeux, l'esprit trop embrumé pour se poser la moindre question. Devant lui, des arbres et des plantes se balançaient au gré du vent, paisiblement. Ce paysage était calmant, il aurait pu rester là pendant des heures s'il ne s'était pas mis à frissonner : le sol avait beau être confortable, il restait froid. De plus, il sentait qu'il ne portait que des vêtements légers.
Il roula sur le dos. Immédiatement, il fut ébloui par le soleil, ne s'attendant pas à le trouver aussi haut dans le ciel. Il plaça son bras devant ses yeux par réflexe. Le bras était fin et pâle, il devina qu'il était jeune, probablement en début de puberté.
L'enfant resta ainsi quelques minutes, attendant que la lumière le réchauffe, avant d'enfin se décider à se redresser. S'exécutant, il eut l'impression qu'il était resté couché pendant des semaines. Il s'étira, sentant chaque articulation craquer de soulagement, comme si son corps sortait d'une longue hibernation. Il poussa l'effort jusqu'à réussir à se mettre sur ses deux pieds... pour aussitôt perdre l'équilibre et retomber à quatre pattes. Il réessaya et parvint cette fois à garder sa bipédie. Soulagé, il regarda autour de lui, curieux de connaître son environnement.
Il se trouvait dans un paysage des plus surprenants. Non pas par sa singularité, mais plutôt par sa simplicité. En effet il se trouvait dans une zone remplie de gazon lui montant jusqu'aux chevilles. L'endroit était parsemé d'arbres, sans pour autant ressembler à une forêt. À quelques mètres de lui, un chemin en galets serpentait entre des petits bosquets de fleurs, passant à côté d'un étang à l'eau calme autour duquel étaient disposés plusieurs bancs de pierre d'un blanc immaculé. Finalement, il remarqua d'immenses pentes de terre au loin. Il se trouvait donc dans une sorte de fosse circulaire géante, dont l'intérieur devait bien faire au moins plusieurs dizaines d'hectares de surface, si ce n'était une centaine. Petit paradis fut le mot qui lui vint à l'esprit.
Mais quelque chose n'allait pas, il le sentait. Quelque chose d'important. Il venait de penser que ce terrain faisait plusieurs dizaines d'hectares de surface, mais comment savait-il ça ? Pourtant, en regardant les pentes de terre, il pouvait clairement affirmer qu'elles étaient au moins à deux-cents mètres de lui, mais d'où lui venait ce savoir ?
Une image ? Une date d'anniversaire ? Rien. Seulement le vide. La panique le gagna. Où était-il ? Pourquoi ne se souvenait-il de rien ? Comment est-ce qu'il s'appelait ? Il fouilla en vain dans son esprit dans l'objectif de trouver quelque chose, n'importe quoi, mais ne trouva que le néant. Le fait d'avoir une mémoire totalement vide était une sensation des plus étranges : il était comme abandonné, trahi par son propre esprit. Mais d'un autre côté, il se sentait tranquille. En soi, il n'avait aucun problème à régler. Rien à se soucier, à part peut-être découvrir l'endroit où il se trouvait.
S'efforçant de se calmer et redéfinissant sa liste des priorités, il commença à marcher, regardant autour de lui. L'endroit ne semblait pas sauvage, au contraire : il ne voyait pas la moindre mauvaise herbe, ni plante grimpante aux arbres. Même ce lieu habité par la nature semblait propre. Ce ne fut qu'après plusieurs minutes qu'il remarqua enfin une première "anomalie" : quelqu'un. Un enfant le regardant avec étonnement. Aussitôt, l'objectif de découvrir où il était disparut.
L'étranger était plutôt grand, même de loin, sûrement plus âgé que lui. Il possédait des cheveux noirs lui tombant presque jusqu'aux épaules et était habillé entièrement en blanc. Ils se regardèrent un moment, puis avancèrent timidement l'un vers l'autre, tous deux intrigués par la présence d'un autre être humain dans ce lieu, mais furent interrompus avant d'arriver à distance de parole.
Il tomba à terre, sous l'effet d'un mal de crâne aussi violent qu'inattendu. La douleur était monstrueuse, il avait l'impression qu'une machine allait lui écraser la tête !
- Ton nom est Soleil, dit calmement une mystérieuse voix fantomatique venue de nulle part, Bienvenue dans l'Ordre.
La douleur disparut aussi vite qu'elle était venue. L'enfant resta à terre, haletant. Qu'est-ce que c'était que ça ? Comment cette voix l'avait-elle appelé ? Soleil ? Cela n'avait aucun sens, ce mot n'avait rien à voir avec un nom, le soleil était un astre !
- Hé, appela une voix bien plus humaine, ça va ?
Soleil, s'il s'agissait bien de son prénom, releva la tête. Devant lui, l'inconnu se tenait debout, une main sur le front, le visage grimaçant. Il venait visiblement de subir la même expérience. L'enfant offrit son autre main à Soleil pour le relever.
- Tu as entendu ce que j'ai entendu ? demanda-t-il.
- Mon... Mon nom est... Soleil ? répondit l'intéressé d'une voix rauque en lui attrapant la main. Il n'avait probablement pas parlé depuis un moment non plus.
Le visage de son interlocuteur s'éclaira.
- Moi c'est Pression. Bizarre, hein ?
Soleil ne répondit pas et se contenta de se relever. Qu'aurait-il pu dire ? Enchanté ? Il était bien trop perdu pour formuler la moindre pensée cohérente. Il ne reconnaissait rien, et l'identité de cette personne était la première chose qu'il apprenait. En un instant, son petit univers de connaissances avait doublé de volume : son nom était Soleil, et le garçon en face de lui s'appelait Pression.
Ce dernier le tira de ses pensées en lui secouant l'épaule. Il pointa ensuite du doigt quelque chose derrière Soleil. En se retournant, l'enfant constata qu'ils n'étaient pas les deux seuls à avoir atterri dans ce lieu sans aucun souvenir, loin de là.
Des gens. Tous jeunes. Des garçons, des filles, habillés en blanc, le regard perdu et apeuré. Certains parlaient entre eux, d'autres découvraient l'endroit avec étonnement, et quelques-uns bâillaient en se levant péniblement. Tournant sur lui même, Soleil découvrit des dizaines, sinon une centaine d'enfants, tous dans la même situation que lui.
- Tu crois qu'ils sont comme nous ? demanda Pression dans son dos. Je veux dire... Sans souvenirs, avec un nom bizarre ?
Soleil resta silencieux, la réponse à cette question étant bien trop évidente. À la place, il s'avança vers un garçon pour l'aider à se lever. Il était facile de deviner qu'ils risquaient de rester ici pendant un bon moment, alors autant connaître le plus de monde possible. Soleil fit donc la connaissance de Circuit, un enfant assez jeune, semblant avoir douze ans.
- Où sommes-nous ? demanda-t-il en se frottant les yeux.
- Personne ne sait, répondit Soleil.
- Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'on y est tous, dit quelqu'un dans son dos.
Soleil se retourna, pour se retrouver face à deux personnes se ressemblant comme deux gouttes d'eau, si ce n'était que l'un des deux était légèrement plus petit. Ce dernier se désigna du pouce.
- Moi c'est Tranchant, et lui c'est Lame, mon petit frère, si la voix dans ma tête s'est pas trompée.
- Bonjour, dit furtivement ce dernier.
Bien sûr que la voix ne s'était pas trompée, les deux possédaient les mêmes yeux bleus et les mêmes cheveux châtain-pâle. Si Soleil les avait rencontrés séparément, il aurait carrément pu les confondre ! Mais cela voulait dire qu'il y avait aussi des personnes de la même famille ici. Soleil se demanda si il y en avait beaucoup, mais ses pensées furent interrompues par quelqu'un.
- Attendez, c'est qui ma grande sœur et c'est qui ma jumelle, en fait ? dit un garçon à quelques mètres d'eux.
Les adolescents se tournèrent vers la voix. Là, trois personnes discutaient. Celui qui venait de parler possédait des cheveux châtains et des yeux noisette. Soleil remarqua également que sa peau était basanée. Il ne se souvenait pas de comment il avait appris ça, mais il lui semblait que cela voulait dire qu'il était d'une différente "ethnie", bien qu'il ne sache même pas ce que c'était.
Le garçon parlait donc à deux autres personnes : des filles. Les deux lui ressemblaient énormément, bien que l'une d'entre elles soit sensiblement plus grande.
- Et vous êtes qui, vous ? lança alors Tranchant, interrompant leur conversation.
Cela eut pour effet de faire sursauter le garçon qui se tourna brusquement vers eux.
- Hein ? Euh... ben moi c'est Esprit, mais j'ai pas bien compris ce qu'a dit la voix sur mes sœurs.
- Mes sœurs ? fit remarquer Circuit en baillant.
- Oui, intervint la grande fille. Je m'appelle Pensée, je suis l'ainée, et ces deux-là sont des faux jumeaux, apparemment.
- Esprit et Pensée, grommela la seconde fille. Pourquoi je dois m'appeler Mémoire, moi ? C'est nul en comparaison !
Soleil eut un petit rire coupable en entendant cela. Presque tout le monde s'était plaint de l'étrangeté de leur prénom, mais personne ne s'était penché sur leur esthétique. En y repensant, il se dit que s'appeler Soleil n'était pas si mal.
- Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? grogna une autre fille en se massant la nuque alors qu'elle titubait vers eux.
- On est dans un trou paumé et tout ce qu'on sait c'est notre prénom et qui sont nos frères et sœurs, répondit stoïquement Tranchant. Ça te suffit comme explication ?
- Ça va, ça j'avais compris, grommela-t-elle en réponse. Je voulais juste savoir pourquoi vous êtes tous rassemblés. Vous êtes quand même pas tous les huit de la même famille ?
- Non, nous faisons juste connaissance, dit Pression. Moi c'est Pression par exemple, et toi ?
- Analyse. Je sais, c'est pourri.
Analyse bailla une nouvelle fois. C'était une fille assez grande, de la même taille que Pression, et avait l'air de posséder un physique assez athlétique. Mais étrangement, ce qui attira le plus l'attention de Soleil fut ses cheveux marron curieusement coiffés en couettes fines. Apparemment, elle avait dû se réveiller déjà apprêtée de la sorte, mais Soleil préféra se taire plutôt que de le faire remarquer.
Les jeunes ne prirent qu'une minute pour tous se présenter, n'ayant absolument rien d'autre à dire que leur prénom. Soleil connaissait donc désormais huit personnes : Pression, Circuit, Tranchant, Lame, Esprit, Mémoire, Pensée et Analyse. Cela commençait à faire un groupe assez conséquent, mais comparé au nombre de personnes qui erraient toujours autour d'eux, ce n'était vraiment rien.
- Mais vous pensez qu'il se passe quoi, en fait ? demanda Lame.
- Pas la moindre idée, répondit Pensée.
- Si seulement on avait des souvenirs, on pourrait au moins avoir un indice sur ce qui nous est arrivé, renchérit Esprit.
Le groupe se tut, chacun réfléchissant dans son coin. De son côté, Soleil était de l'avis d'Esprit. Ils étaient totalement amnésiques, comment pouvaient-ils découvrir quelque chose s'ils ne connaissaient rien d'autre que leur nom ?
- On a déjà des indices, lâcha soudainement Tranchant.
Tout le monde tourna la tête vers lui, étonné. Ce dernier afficha un air victorieux.
- Vous êtes aveugles ou quoi ? lança t-il avec une voix pleine d'arrogance. On a des info partout autour de nous ! Regardez : on s'est tous réveillé presque en même temps par terre ou adossé à un arbre, non ? Alors pourquoi est-ce que nos vêtements blancs comme neige sont aussi propres ? À tous les coups, on est arrivé ici il y a même pas une heure. En plus, on est également tous habillé pareil et on a tous des noms bizarres qui nous ont été donnés par une petite voix dans notre tête ! Vous allez quand même pas me dire qu'il y a rien derrière tout ça ?
- Tu veux dire que c'est quelqu'un qui nous a mis ici ? demanda Pression.
- Évidemment ! Et je te dis même qu'il va pas tarder à se pointer vu qu'on est tous debout maintenant.
Soudain, comme pour répondre aux affirmations de Tranchant, un bruit titanesque retentit. Soleil se plaqua les mains sur les oreilles. Le son était grave et résonnait de partout, mais sa provenance semblait pourtant très facilement localisable. Il se demanda un instant s'il valait mieux aller voir ou au contraire s'enfuir en courant, avant de remarquer que le reste du groupe s'était déjà mis en marche et se dirigeait vers la source.
Il dut courir pour les rattraper, trébuchant à plusieurs reprises sur les racines des arbres environnants. Finalement, alors qu'il arrivait enfin au niveau de Pression, ce dernier s'arrêta brusquement. Soleil, trop occupé à garder son équilibre en courant, ne le remarqua malheureusement pas à temps et le bouscula.
- Désolé, lâcha-t-il précipitamment.
Pour seule réponse, Pression haussa les sourcils en affichant un léger sourire moqueur se voulant rassurant. Soleil s'apprêta à répéter ses excuses avant de se rendre compte que le bruit avait cessé. Il regarda autour de lui. Ils n'avaient pas été les seuls à s'être approchés de la source sonore, loin de là. En fait, il pouvait même affirmer que tous les jeunes présents étaient également venus ici, à savoir au bord de la zone, au pied de la grande pente. Justement, maintenant qu'il était aussi proche, Soleil pouvait clairement voir à quel point ces pentes étaient immenses. Elles devaient au moins faire cinquante mètres de hauteur !
Mais le plus intriguant n'était pas là-haut, mais bien en face de lui, là où une sorte de grand tube métallique rectangulaire sortait de la montée de terre.
- Quatre-vingt-onze, lâcha alors Pression. Si tout le monde est bien là, alors on est quatre-vingt-onze ici.
Soleil en resta bouche bée. Cela faisait tellement de gens ! Et ils avaient tous presque le même âge, mais pourquoi ? Tous ces mystères le frustraient. Il commençait à vivement espérer obtenir des réponses.
Mais alors qu'il pensait ça, un trou carré d'environ trois mètres de côté apparu soudainement sur le bout du tube, révélant quelque chose que Soleil ne s'attendait vraiment pas à voir ici : des adultes. Quatre personnes dont l'apparence et le comportement trahissaient clairement leur âge.
- Ok, là ça devient intéressant, dit Tranchant dans un sourire.
- Chapitre 2:
- Bienvenue dans l'Ordre
2
Bienvenue
Les individus sortirent un à un. Ils étaient quatre, chacun plus étrange que l'autre. En effet trois d'entre eux étaient habillés en blanc, comme tout le monde, mais le dernier portait un costume noir. L'intuition de Soleil lui souffla qu'il devait être le chef ou quelque chose du genre. L'homme dégageait une aura puissante, Soleil se sentit obligé de détourner le regard et choisit de regarder les autres adultes. C'est alors qu'il se rendit compte des particularités de ces inconnus : leurs yeux.
Un premier homme avait l'œil gauche marron, et l'œil droit bleu azur. Une femme à l'œil gauche noisette partageait ce trait. La seconde femme était différente, car c'était son œil gauche qui possédait une couleur surnaturelle, affichant cette fois-ci un vert intense.
Et finalement, l'homme en noir. Si les trois autres étaient étranges, lui était vraiment bizarre. En effet, ses cheveux étaient blancs, malgré son apparence plutôt jeune, et ses yeux étaient rouge sang, les deux. Ce fut lui qui prit la parole, parlant d'une voix puissante qui capta l'attention des rares qui n'étaient pas déjà intrigués.
- Bonjour, G4, et bienvenue dans l'Ordre ! commença-t-il.
Il marqua une pause et parcouru le groupe du regard. Lorsqu'il posa celui-ci sur Soleil, ce dernier sentit son sang se glacer. Il ne connaissait pas la raison de cet effroi, mais il était sûr d'une chose : cet homme était louche. Et il espérait de tout cœur qu'il leur expliquerait rapidement la raison ou la cause de leur présence ici.
- Je devine que vous devez vous demander une multitude de choses, reprit-il. Ne vous inquiétez pas, vous aurez toutes les réponses que vous désirez en temps voulu. Mais passons. Une longue journée nous attend, suivez-nous.
Sur ces mots, il tourna les talons et repartit de là où ils étaient venus. Les autres adultes le suivirent en silence, la femme à l'œil vert faisant signe aux jeunes adolescents de les suivre avant de disparaitre à son tour.
Quelques secondes s'écoulèrent, durant lesquelles chacun se demanda quoi faire. Finalement, ce fut un adolescent que Soleil ne connaissait pas qui s'avança vers l'entrée en premier.
- Bon, de toute façon je pense pas qu'on ait le choix, dit-il.
*
Quelques minutes plus tard, tout le monde était entré dans le tube et suivait désormais les quatre étranges adultes dans ce qui semblait être un immense couloir. Les murs et le sol de ce dernier étaient faits d'une sorte de pierre blanche très lisse au toucher qui, avec les néons accrochés au plafond, donnait une grande luminosité au lieu.
Soleil, lui, n'était plus qu'avec Pression et Circuit, le groupe s'étant séparé. N'ayant pas d'autre sujet de conversation, ils avaient décidé de parler sur leurs récentes rencontres.
- J'aime pas trop Tranchant, dit Circuit. Il a l'air trop... sûr de lui.
- Tu veux dire arrogant ? le corrigea Pression. Ça m'étonnerais que tu sois le seul à penser ça. À sa façon de parler, il donne l'impression de se croire au dessus de tout le monde, mais je suis sûr qu'il peut être sympa.
Soleil préféra ne pas renchérir. Lui aussi, il trouvait que Tranchant avait tendance à afficher un air supérieur, ce qui contrastait énormément avec le caractère calme de Lame. Au moins, il était sûr qu'il ne les confondrait jamais.
- Sinon, vous pensez quoi des trois à la peau foncée ? demanda alors Pression.
Il faisait sûrement référence à Pensée, Mémoire et Esprit. Soleil réfléchit un moment avant de répondre.
- J'aime bien Esprit, commença-t-il. Il a l'air sympa. Pour Pensée et Mémoire, je sais pas trop. Analyse est arrivée avant que je me fasse un avis.
- T'aimes bien Esprit ? dit Circuit. Tu m'étonnes ! Il aurait la peau plus claire et des yeux plus foncés et il serait ton double parfait.
- C'est vrai qu'il te ressemble, renchérit Pression avec un sourire. Sinon, je suis le seul à avoir remarqué à quel point Pensée est grande ? Sérieusement, elle a vraiment l'air d'avoir dix-sept ans, ça fait bizarre.
- Tu donnes l'impression d'en avoir seize, tu sais ? Toi non plus t'as pas l'air à ta place.
Pression fit la moue face à cette réponse.
- Vraiment ? s'étonna-t-il.
Après ça, les trois compagnons se mirent à se donner des âges. Ainsi, Pression réussit à les convaincre de ne lui donner "que" quinze ans, Circuit s'en tira avec douze ans, et Soleil se vit donner l'âge de treize. Ils passèrent également du temps à réfléchir sur les autres enfants rencontrés plus tôt, mais le groupe s'arrêta avant qu'ils ne puissent se mettre d'accord. Soleil étant néanmoins trop concentré à réfléchir, il percuta encore quelqu'un.*
On les fit rentrer dans une immense salle dont ils devinèrent immédiatement l'utilité. En effet, à gauche de l'entrée se situait des gradins contenant ce qui semblait être une multitude de bureaux en bois, et à droite se trouvait un tableau noir accroché au mur. Pas de doute possible, il s'agissait d'une salle de classe. La femme à l'œil vert ferma la porte derrière eux avant de prendre la parole.
- Trouvez vite votre bureau et installez-vous, on va commencer ! dit-elle d'un ton enjoué.
Les enfants s'approchèrent sans un mot. Apparemment, chaque bureau était marqué d'un nom. Soleil trouva le sien assez rapidement à la première rangée et s'assit. Il redirigea ensuite son attention sur la femme à l'œil vert, remarquant au passage que les autres adultes avaient disparu. Cette dernière, adossée au tableau, attendait que tout le monde trouve sa place en souriant.
Deux minutes plus tard, tout le monde s'était installé, et Soleil se retrouvait avec une fille silencieuse à sa droite et un garçon aux cheveux blonds à sa gauche. Il voulut faire connaissance, mais l'adulte prit la parole avant.
- Bonjour à tous, les G4, et bienvenue dans l'Ordre ! lança-t-elle en écartant les bras. Je m'appelle Savoir, et je serais celle qui s'occupera de votre génération !
Un silence gênant tomba ensuite. La dénommée Savoir s'éclaircit la gorge avant de poursuivre.
- Vos bureaux ont tous un tiroir. À l'intérieur, vous trouverez de quoi écrire et plusieurs feuilles d'exercices. Prenez-les, s'il-vous-plaît, on va commencer par évaluer votre niveau moyen.
Les "G4" s'exécutèrent timidement. Soleil posa les feuilles face à lui et lut la première question, lui demandant tout simplement d'écrire son prénom. Il se saisit ensuite de son crayon... pour réaliser un gribouillage incompréhensible. Incongru, il effaça l'écriture avec une gomme et recommença, sans plus de succès. Soleil fronça les sourcils d'incompréhension. Que se passait-il ? Pourquoi n'arrivait-il pas à écrire quelque chose d'aussi simple que son propre prénom ?
Peu importe ce qu'il essayait d'écrire, le résultat était illisible. Les lettres horriblement mal faites se chevauchaient, les mots comportaient des fautes de partout... Soleil se renfrogna devant sa copie. Était-il si mauvais que ça ? Il voyait pourtant quelles fautes il faisait, mais sa main refusait d'écrire correctement !
Soudain, il sentit une main se poser sur ses cheveux. Il releva la tête, pour se rendre compte que Savoir était juste devant lui, les autres jeunes étant apparemment trop concentrés pour la remarquer. Il vit l'adulte lui adresser un sourire rassurant alors qu'une sensation agréable lui parcourait le crâne.
Quelques secondes plus tard, la femme à l'œil vert s'éloigna finalement. Soleil soupira. Il regarda brièvement sur la feuille de son voisin aux cheveux blonds et se rendit compte qu'il était sévèrement en retard. Il attrapa donc son crayon et commença à répondre aux questions une par une.*
- La vache, c'était super dur, se plaignit Soleil en se massant la main.
- J'ai pas trouvé, moi, répondit Pression.
- C'est sûrement parce que t'es plus grand. Sérieusement, j'ai dû oublier comment écrire en même temps que tout le reste.
Après le test, Savoir les avait reconduit vers ce qu'elle avait appelé le "cratère", ce qui correspondait à l'endroit où ils s'étaient tous réveillés environ une heure et demie plus tôt. Lorsqu'il l'avait entendu prononcer ce mot, Soleil avait directement fait le lien avec les grandes pentes de terre qu'il avait remarquées à son réveil. Il comprenait maintenant beaucoup mieux la nature de ce lieu, mais ne pouvait toujours pas s'empêcher de penser qu'il paraissait "trop parfait" pour être naturel.
- Je crois que Circuit est avec Lame et Tranchant, on les rejoint ? dit alors Pression.
- Pars devant, répondit son ami en s'adossant à un arbre. J'ai un truc à faire.
Pression haussa les sourcils, étonné, mais ne posa pas plus de questions. Il se contenta d'acquiescer et de tourner les talons, laissant Soleil seul. Ce dernier, en attendant que Pression s'éloigne, croisa les bras et ferma les yeux. D'un point de vue extérieur, on aurait pu croire qu'il somnolait, mais en réalité, il était en pleine réflexion.
Soleil décida de repenser à ce qu'il s'était passé un peu plus tôt, lorsque Savoir, leur étrange professeure à l'œil vert brillant, lui avait touché la tête. Il n'y avait pas prêté attention sur le moment, mais il s'était ensuite immédiatement mis à écrire normalement comme si de rien n'était. Pourtant, il était presque sûr que cette même action lui avait été impossible quelques secondes plus tôt. Était-ce à cause du stress ? Probablement, qu'est-ce que ça aurait pu être d'autre de toute façon ? Il n'avait certainement pas appris à écrire instantanément parce que quelqu'un lui avait touché la tête. Non, il s'était juste retrouvé tellement stressé par la situation qu'il n'avait même pas réussi à tenir son crayon correctement.
Soleil rouvrit les yeux. Décidément, les évènements étranges se succédaient à une vitesse surprenante, et quelque chose lui disait que c'était loin d'être fini.
Remarquant que son ami était maintenant loin, il se redressa et s'étira légèrement avant de se diriger vers un endroit bien précis, à savoir un amas d'arbres et de buissons. Là, il dut traverser les épais feuillages le plus doucement possible pour éviter de faire trop de bruit. Cela ne l'empêcha pas de s'égratigner sur plusieurs branches, mais il parvint tout de même à franchir la végétation sans trop de difficulté.
Enfin, le jeune déboucha sur une petite clairière à l'abri des regards, là où un enfant aux cheveux blonds se tenait accroupit au dessus d'une fleur. Soleil s'approcha discrètement. Il s'agissait du jeune qui s'était assis à côté de lui lors du test. Il ne lui avait pas encore parlé, mais son attitude l'avait suffisamment intrigué pour qu'il décide de le suivre.
Arrivé à seulement deux mètres de l'enfant qui ignorait toujours sa présence, Soleil choisit de se révéler en toussant, ce qui eut pour effet immédiat de faire bondir de peur l'inconnu qui se retourna précipitamment.
- Comment tu m'as retrouvé ? lança précipitamment ce dernier avant de reconnaitre la personne en face de lui.
- Euh, bonjour ? hésita Soleil.
L'enfant aux cheveux blonds attendit quelques instants, puis s'assit en souriant.
- Ah, c'est toi. Désolé, je t'ai confondu avec quelqu'un d'autre. Il y avait marqué Soleil sur ton bureau, c'est bien ça ton nom ?
Soleil hocha la tête tout en se demandant quelle était la personne avec laquelle son interlocuteur l'avait confondu, mais ce dernier se remit à parler avant qu'il ne puisse poser la question.
- Moi c'est Électrique, ravi de te rencontrer, surtout que la seule autre personne à qui j'ai parlé aujourd'hui est complètement folle.
- Je suis pas folle ! retentit alors une voix féminine dont Soleil ne parvint pas à localiser la provenance.
Électrique haussa les épaules en soupirant.
- Ah ben elle m'a vraiment retrouvé alors. Je sais pas pourquoi, mais cette fille me suit partout. Et le seul moyen que j'ai trouvé pour la faire parler est de la traiter de tarée. Bon, c'est pas grave, avec toi à proximité, elle devrait rester cachée dans les buissons.
Pendant une fraction de seconde, l'idée de s'enfuir en courant tenta Soleil, mais il décida finalement d'en apprendre plus sur Électrique.
- Et sinon tu faisais quoi ? demanda-t-il innocemment.
Cette question prit Électrique au dépourvu. Il regarda précipitamment autour de lui avant de pointer du doigt la fleur qu'il observait un peu plus tôt. Soleil s'en approcha : il s'agissait d'une magnifique fleur aux pétales bleu azur.
- C'est une orchidée, dit Électrique dans son dos. Elle est belle, hein ?
- Oui, répondit simplement Soleil.
Électrique s'approcha à son tour.
- Sauf que les orchidées bleues, ça existe pas.
- Hein ? Comment tu sais ça ?
L'enfant aux cheveux blonds leva les sourcils face à la stupidité de cette question. Soleil réalisa immédiatement son erreur : lui même possédait des connaissances sans savoir comment il les avait obtenues, comment pouvait-il penser que ce ne serait pas le cas de tout le monde ?
- Je comprends pas, reprit Électrique. Cette fleur pousse pas naturellement, mais il y en a une juste ici.
- Bizarre.
- Je sais pas où on est, mais si même les fleurs sont bizarres, j'ose à peine imaginer la suite. Bon, au moins on peut trouver quelques info dans nos connaissances.
- Comment-ça ?
Électrique se releva tout souriant, comme s'il avait attendu que Soleil lui pose cette question.
- Si je te dis "voiture", par exemple. Tu n'en as jamais vu, mais tu sais ce que c'est, non ?
Soleil ne répondit pas, ne comprenant pas bien où son interlocuteur voulait en venir.
- Ça veut donc dire que les voitures existent, continua Électrique. De même que les villes ou les avions. Je peux même te donner la définition de l'étalement urbain ou de la croissance économique !
- Mais je connais aussi la magie et les licornes, non ?
- Attend, mais t'as quel âge ? ria Électrique. Tout le monde sait que ça existe pas ces trucs !
Encore une fois, Soleil préféra garder le silence. Il avait atteint l'objectif qu'il s'était fixé, à savoir découvrir qui était cette personne, mais était désormais encore plus intrigué qu'au début. Il réfléchit quelques secondes, puis s'assit dans l'herbe.
- Et qu'est-ce que tu sais d'autre ? demanda-t-il.*
Soleil et Électrique parlèrent pendant près d'une heure, assis dans l'herbe. Électrique était vraiment très intelligent, et même si quelques-unes de ses théories semblaient n'avoir aucun sens, le reste paraissait plutôt bien trouvé. D'après lui, les adultes auraient été affectés par une maladie ou quelque chose d'autre, ce qui leur avait donné cette étrange apparence. Les G4, eux, auraient été mis à l'écart du reste du monde pour ne pas qu'il leur arrive la même chose.
Cela se tenait, mais quand Soleil demanda la raison de leur perte de mémoire et de leur étrange nom, Électrique buta.
- Peut-être que cette maladie affecte d'abord la mémoire ? pensa à haute voix le G4 aux cheveux blonds. Et que c'est en voyant qu'on commençait à oublier des trucs qu'ils nous ont amenés ici ?
- D'accord, mais nos noms ? Je suis sûr qu'on s'appelait pas comme ça avant, et puis alors pourquoi "l'Ordre" si c'est une sorte d'hôpital ? Et quel rapport avec les fleurs ?
- Tu m'aides pas là !
Électrique se prit la tête dans les mains et lâcha un grognement de frustration. Soleil ne s'en offusqua pas, pensant qu'il aurait certainement fait la même chose. Cet endroit ne faisait aucun sens, et leur amnésie les empêchait totalement de fouiller dans leur mémoire à la recherche d'indices. Pourtant, toutes ces particularités devaient êtres liées d'une façon ou d'une autre.
- Bon, au moins j'ai l'impression que les adultes vont s'occuper de nous, dit Électrique. Vu qu'on est déjà allé dans une salle de classe... Ça me fait penser que je commence à avoir super faim, pas toi ?
- Si, avoua Soleil dont le ventre hurlait qu'on le remplisse au plus vite.
- Moi aussi, déclara soudainement une troisième personne derrière eux.
Soleil sursauta, mais ce ne fut rien à côté d'Électrique qui bondit sur ses jambes en jurant. Soleil mit quelques secondes à comprendre pourquoi : à moins d'un mètre d'eux se trouvait une jeune fille aux cheveux blonds en bataille. Elle était accroupie et les fixait avec des yeux marrons en arborant une expression totalement neutre.
- Depuis combien de temps tu nous écoutes, toi ? lança Électrique.
- Depuis le début, répondit-elle en souriant avant de se redresser.
Soleil se remit lui aussi debout. Apparemment, il s'agissait là de la fille qui pourchassait Électrique depuis le début de la journée, celle qu'il traitait de folle.
- Bon, fit Électrique. Soleil, je te présente la tarée, qui a apparemment décidé de se mettre à parler.
- Je suis pas tarée ! cria l'étrangère, les yeux larmoyant.
Soleil fut tenté d'enfouir son visage dans ses mains, mais il n'en fit rien.
- Et si tu te présentais ? dit-il en essayant de paraître le plus calme possible. Moi c'est Soleil, et toi ?
La fille gonfla les joues, serra les poings et baissa la tête. Mais quel âge avait-elle ? Six ans ? Parce que si elle ne faisait pas presque la taille d'Électrique et ne montrait pas les signes évidents du début de la puberté féminine sur son torse, c'est ce qu'il aurait cru. Quoique, même avec ça, il hésitait à lui donner plus de douze ans.
- Boum... marmonna l'inconnue.
- Boum ? répétèrent en cœur les deux garçons.
La fille resta silencieuse.
- Tu t'appelles "Boum" ? demanda Électrique.
- Non.
- Ça a un rapport avec ton nom ?
- Oui.
- Ton nom fais boum ?
- Oui.
Elle gardait la tête baissée, mais Soleil put clairement voir un sourire se dessiner sur ses lèvres. Il avait d'abord pris ça pour de la timidité, mais il comprit qu'elle était en train de jouer avec eux. Électrique lui aussi semblait avoir déduit ça, ce dernier posant exclusivement des questions pouvant être répondues par "oui" ou par "non".
- Tu t'appelles "Bombe" ? continua Électrique.
- Non.
- Un autre explosif peut-être ?
- Non.
- Ça explose pas mais ça fait boum ?
- Si.
- C'est pas un explosif mais ça explose quand même ?
- Oui.
- Hein ?
Électrique se gratta la tête.
- Mais pour faire une explosion... Attends. Tu t'appelles "Explosion" ? lâcha-t-il, hésitant.
Aussitôt, la fille releva la tête avec un grand sourire. Électrique râla :
- Super, ça la rend encore plus flippante !
Soudain, un grand bruit retentit. Similaire à celui du début de la journée, bien que légèrement moins fort. Les trois G4 comprirent immédiatement sa signification.
- Je crois que la pause est terminée, dit Soleil.
*
Quelques minutes plus tard, tous les G4 étaient réunis et suivaient Savoir dans le couloir. Soleil retrouva Circuit et Pression, qui lui racontèrent qu'ils avaient rencontré d'autres G4. Soleil leur présenta Électrique, et même si Pression parut d'abord sceptique, Circuit, lui, se lia immédiatement d'amitié, visiblement impressionné par l'imagination du jeune aux cheveux blonds.
Les quatre amis restèrent ensembles pendant le trajet, après quoi Savoir les fit entrer dans ce qu'ils devinèrent immédiatement être un réfectoire.
La salle était immense et comportait de nombreuses tables de toutes tailles. Chose étrange : tout était blanc ou gris clair. Les murs, les chaises, même les couverts disposés en face de chaque place étaient aussi clairs que les vêtements des G4.
- Asseyez-vous je reviens tout de suite, dit Savoir avant de sortir en fermant la porte à double battant derrière elle, laissant les G4 seuls.
Il y eu un instant de flottement, jusqu'à-ce que quelqu'un se décide à tirer une chaise, après quoi les autres suivirent. Soleil s'installa à une table de six avec Pression, Circuit et Électrique, avant d'être rejoint par Tranchant et Lame. Électrique se présenta brièvement aux deux nouveaux venus... avant de commencer un concours de théories avec Tranchant.
Alors que Circuit décida de suivre leur échange, Soleil, Pression et Lame préférèrent parler entre eux, mais ils se contentèrent surtout d'essayer de trouver un sujet de conversation intéressant, en vain. S'affalant sur sa chaise en soupirant, Soleil décida de regarder aux alentours. Il remarqua qu'Explosion était assise à une table voisine et les observait, ce qui lui provoqua un frisson dans le dos. De plus, il lui semblait que les deux autres filles assises avec elle restaient silencieuses à contempler leur assiette vide. Il s'apprêta à en parler à Électrique, mais Savoir revint à ce moment là, soufflant toutes les conversations. Elle était accompagnée de l'homme qu'ils avaient aperçu en début de journée, ce dernier poussant un énorme chariot comme si de rien n'était.
Alors que l'homme longeait les tables en servant aux G4 un plat de riz avec une dextérité peu commune, Savoir prit la parole :
- Voici Voix. Il se chargera surtout de vous surveiller, alors ne le faites pas crier.
Lorsque Voix s'approcha de sa table, Soleil en profita pour l'observer d'un peu plus près.
Il était très imposant, ce qui contrastait énormément avec son tablier noué autour de la taille. De plus, son visage n'était pas dur, et laissait même imaginer qu'il devait s'agir de quelqu'un d'amical. Ses cheveux blonds étaient coupés courts et bien sûr, son œil gauche était marron alors que le droit affichait un bleu intense.
Lorsqu'il déposa une large portion de riz dans l'assiette de Soleil, ce dernier se jeta dessus. La sensation de manger pour la première fois de sa vie était des plus étranges, mais cela ne l'arrêta pas, et Soleil termina sa nourriture avant même que Voix n'ait fini de servir les autres. Un coup d'œil lui indiqua que ses amis, ainsi qu'apparemment tous les G4, avaient avalé leur repas avec la même férocité.
Maintenant rassasié et affalé sur sa chaise, Soleil attendit en somnolant que tout le monde ait terminé, après quoi Savoir déclara qu'ils allaient retourner au cratère jusqu'à la fin de la journée.
- Chapitre 3:
- Bienvenue dans l'Ordre
3
Cratère
- Tu vas pas y arriver, c'est sûr ! lança Analyse.
- Tais-toi, je peux le faire ! rétorqua Tranchant.
Après le repas, Soleil ainsi qu'une dizaine de G4 s'étaient rassemblés près du bord du cratère, au pied de la grande pente. Tous brûlaient d'envie de voir ce qu'il y avait au delà, mais lorsqu'ils s'en étaient approchés, ils s'étaient vite rendus compte à quel point monter serait difficile. La plupart avait donc renoncé, mais Tranchant voulait toujours tenter le coup.
- La pente est bien trop abrupt, commenta Pression.
- Et regarde à quel point la terre est fine, renchérit Électrique. C'est presque du sable à ce point là !
- Mais vous allez la fermer ? s'énerva Tranchant en faisant quelques pas en arrière pour prendre son élan.
- Il va complètement se rater, marmonna Mémoire à côté d'Esprit, qui secoua la tête solennellement.
Tranchant ignora ces remarques et se mit à courir le plus vite possible, s'élançant à toute vitesse sur la pente de terre. Il grimpa aisément une dizaine de mètres, avant de commencer à ralentir. Il parcourut encore quelques mètres, grattant le sol avec ses mains pour progresser, mais la terre sous ses pieds se mit à glisser sous son poids, le faisant finalement basculer en arrière.
- Et merde ! lâcha-t-il entre ses dents.
Après quelques roulades dans la poussière, Tranchant atterrit lourdement dans l'herbe au pied des autres G4. Il se releva en grimaçant de douleur.
- Tu vois ? T'as même pas fais la moitié, dit Analyse.
- La ferme, grogna le blessé en titubant.
- Ça va ? demanda Lame à son frère.
Tranchant s'épousseta en grommelant.
- C'était juste pas le bon endroit, peut-être que c'est plus facile autre part, dit-il en s'éloignant.
Certains le suivirent, tandis que d'autres préférèrent partir de leur côtés en petits groupes. Soleil et Pression, eux, restèrent sur place.
- Honnêtement, je ne pense pas que ces trucs soient faits pour être escaladés, lâcha Pression en fixant l'endroit depuis lequel Tranchant avait dégringolé.
- Tu crois que c'est pas possible ? demanda Soleil.
Pression haussa les épaules.
- Je ne sais pas. Peut-être qu'on y arrivera plus tard, mais essayer de faire ça juste après manger, c'est stupide. On est bien trop fatigué.
- Oui, c'est vrai.
Soleil regarda à son tour la rampe de terre. Elle ne semblait pas si difficile que ça à monter, mais sa taille imposante rendait la tâche bien trop épuisante. Mais peut-être que lorsqu'ils seraient suffisamment en forme, ils pourraient retenter l'épreuve.
- En parlant de fatigue, poursuivit Pression en baillant, je serais bien tenté de dormir un peu à l'ombre d'un arbre. En plus, Électrique a dit que l'herbe était très douce, alors j'ai bien envie de tester ça.
En entendant ça, Soleil eut un petit sourire. Au final, Pression commençait lui aussi à apprécier Électrique. Il se demanda s'il devait le lui faire remarquer, mais son ami s'éloignait déjà en direction d'un chêne. Il décida donc à la place de partir faire un tour et d'explorer les environs.
Le G4 marcha pendant plusieurs minutes, observant la végétation environnante. C'était la troisième fois qu'il venait au cratère, mais il n'avait encore jamais vraiment prêté attention à tout ce qui l'entourait. Et plus il regardait autour de lui, plus il était émerveillé. L'herbe au sol était d'un vert éclatant et l'atteignait aux chevilles. Lorsqu'il marchait dessus, les brins s'écrasaient, avant d'immédiatement se relever comme si de rien n'était juste après qu'il ait retiré sa chaussure. Dans cette étrange herbe se trouvait quelquefois des fleurs, généralement regroupées en de magnifiques petits bosquets. Les arbres, eux aussi, semblaient ne pas comporter le moindre défaut.
Plus il avançait, plus Soleil se rendait compte que cet endroit ressemblait d'avantage à un jardin qu'à une simple clairière. Il se jura d'en parler à Électrique dès qu'il le verrait.
À un moment, Soleil tomba sur un petit chemin en galets. Il avait déjà vu cette route lors de son réveil en début de journée et avait alors choisit de l'ignorer, mais il décida cette fois-ci de la suivre, juste pour voir où cela le mènerait. Le jeune continua donc sa promenade, croisant de temps en temps quelques G4 inconnus qu'il salua brièvement.
Finalement, après être passé par une zone très dense en arbres, le chemin l'amena près d'un petit étang, à savoir à proximité de là où il s'était réveillé le matin même. Près de l'eau, plusieurs bancs en métal étaient disposés. Tous étaient inoccupés à l'exception d'un seul sur lequel une fille était assise. Soleil l'ignora et continua de marcher, mais lorsque la route le fit passer de l'autre côté de l'étang, en face de l'inconnue, il décida quand même de la regarder.
Elle était à plus d'une vingtaine de mètres, mais il parvint tout de même à distinguer de longs cheveux roux qui lui tombaient sur le visage. Elle était penchée et semblait regarder son reflet dans l'eau. En voyant cela, Soleil sentit une certaine curiosité monter en lui, comme lorsqu'il avait décidé de suivre Électrique. Comprenant que cette envie d'en apprendre plus ne le quitterait pas tant qu'il ne l'aurait pas assouvie, il leva les yeux au ciel et revint sur ses pas.
Lorsqu'elle remarqua qu'il s'approchait d'elle, la fille releva brusquement la tête. Soleil put ainsi voir à ses joues rouges qu'elle avait pleuré. Il fit un pas de plus, et elle recula le plus loin possible sur le banc, comme prête à partir en courant.
- Eh, doucement ! lâcha précipitamment Soleil en levant les mains. Pourquoi tu t'enfuis ?
La G4 ne répondit pas et se contenta de tourner la tête dans l'autre sens. Soleil s'approcha prudemment, avant de s'assoir à son tour à l'autre bout du banc. Il soupira. Pourquoi toutes les filles à qui il essayait de parler restaient complètement silencieuses ? C'est alors qu'il se rendit compte de quelque chose.
- Je t'ai vu à midi, remarqua-t-il. Tu étais à la même table qu'Explosion et une autre fille, n'est-ce pas ? Pourquoi tu es toute seule maintenant ?
L'inconnue ne répondit pas, mais tourna très légèrement la tête vers lui. Il ne vit toujours pas son visage à cause de ses cheveux, mais crut distinguer le reflet d'un œil derrière ses mèches.
- Je m'appelle Soleil, et toi ?
Aucune réponse.
- Tu pleurais, c'est ça ?
Toujours rien. Soleil resta également silencieux pendant un moment, réfléchissant à ce qu'il pourrait dire pour la faire réagir.
- Tu sais, c'est pas grave de pleurer. À vrai dire, je me demande moi-même pourquoi j'ai pas passé la matinée à le faire. C'est vrai, quoi. On a aucun souvenir, rien que des noms débiles, et on est sensés gentiment obéir à des adultes bizarres dont la seule phrase compréhensible est "bienvenue dans l'Ordre".
Son "interlocutrice" ne bougea pas, mais donna tout de même l'impression de se détendre. Soleil le remarqua, et décida de continuer à parler dans l'espoir de peut-être provoquer une réaction.
Pendant plusieurs minutes, le G4 raconta les choses étranges qu'il avait remarqué dans le cratère. Mais même après ça, l'inconnue garda tout de même ses distances, ce qui ne fit que le motiver d'avantage.
Oubliant la notion du temps ou même la présence de la fille assise à côté de lui, il continua de déblatérer sur tout ce qu'il pouvait. Comment il avait rencontré les autres G4, son opinion sur tout ce qui leur arrivait, les théories d'Électrique... Tout ce qui lui passait par la tête devenait l'occasion de raconter une histoire. Il finit même par parler du décors qui l'entourait. La manière dont les feuilles des arbres tremblaient face au vent, ou comment la surface de l'eau devant eux reflétait le soleil couchant... Une seconde, le soleil couchant ?
Soleil se rendit soudainement compte à quel point l'astre partageant son nom était descendu dans le ciel, ce dernier ayant déjà presque disparu derrière le rebord du cratère. De plus, comme pour souligner cette observation, le grondement habituel retentit, invitant les G4 à se rendre à l'entrée du couloir souterrain.
- Wow, désolé, fit Soleil en se levant. J'ai vraiment pas vu le temps passer. Bon, t'es sûre que tu veux même pas me dire comment tu t'appelles ?
C'est alors qu'il remarqua que la fille le regardait désormais en face. Ses deux yeux bleus affichant une expression de réconfort. Lorsqu'il croisa son regard, elle écarta légèrement les yeux par timidité.
- Je m'appelle Celsius, dit-elle d'une voix montrant clairement qu'elle ne devait pas avoir prononcé le moindre mot de la journée.
Soleil ne put s'empêcher de sourire bêtement face au bonheur incroyable qui explosa en lui. Celsius. C'était un très joli nom qui ne semblait pas trop bizarre lorsqu'on le prononçait, contrairement aux autres personnes que Soleil avait rencontré.
Celsius se leva à son tour, sortant Soleil de ses réflexions. Il se tapota légèrement les joues pour se remettre les idées en place.
- Bon, on y va ? demanda-t-il.*
- Moi c'est Circuit, enchanté !
- Et moi c'est Électrique !
- Je m'appelle Pression.
Soleil faisait la présentation de Celsius à ses amis tout en marchant dans le couloir. La jeune fille ne voulant pas vraiment parler, il avait dû le faire à sa place. Lorsqu'il l'avait vue, Pression avait ensuite demandé à Soleil s'il comptait continuer d'intégrer de nouvelles personnes à leur petit groupe. Il avait posé cette question avec le sourire, mais Soleil était sûr qu'il devait au moins être à moitié sérieux.
Soudain, alors que Soleil réfléchissait à comment expliquer tout le malheur qu'il s'était donné pour obtenir son nom, Électrique se pencha vers Celsius, l'air interloqué. Cette dernière, surprise, eut un brusque mouvement de recul et bouscula quelqu'un qui tomba par terre, faisant presque trébucher une autre personne. Soleil dût attraper la rousse par la main et la ramener vers eux avant de causer une réaction en chaine.
- Pourquoi t'as fait ça ? demanda-t-il à Électrique.
- Elle est pas normale, marmonna le G4 aux cheveux blonds.
- C'est toi qui est pas normal !
Si Électrique fut touché par cette insulte, il n'en montra pas le moindre signe.
- Non, c'est pas ce que je voulais dire, mais regarde son visage, tu vois pas un problème ?
Soleil se tourna vers Celsius. Bien que cette dernière faisait de son mieux pour que ses cheveux couvrent en permanence presque la moitié de son visage, il put bien distinguer ses traits. Sa peau était très pâle, mais à part ça, il ne voyait pas de problème, au contraire, il n'y avait pas la moindre imperfection. Mais lorsqu'il le dit à Électrique, ce dernier mima une claque à quelques centimètres du visage de Soleil en levant les yeux au ciel.
- Bien sûr que tu vois rien d'anormal : c'est ça qui est bizarre. T'as pas remarqué qu'elle n'avait pas du tout de tâches de rousseur ?
- C'est quoi ça ? s'étonna Soleil, certain de ne jamais avoir entendu parler d'une telle chose.
Tout le monde se mit à le dévisager avec des yeux ronds, même Celsius.
- Tu sais vraiment pas ? demanda Circuit, abasourdit.
- Quoi, c'est quoi le problème ?
- Tu sais, il parait que certaines personnes paraissent beaucoup plus vieux que ce qu'ils sont vraiment, en fait c'est peut-être ton cas, commenta Électrique en se tenant le menton.
- Je connais pas ce mot et alors ? On est tous amnésiques je vous rappelle, je l'ai peut-être juste oublié !
- Je suis presque sûr que ça marche pas comme ça.
- Et pourquoi, tu sais comment ça marche toi ?
- Non, mais je sais ce que c'est que des tâches de rousseur.
- Mais explique moi au lieu de te moquer !
Électrique s'apprêtait à en remettre une couche lorsqu'il fut interrompu par un rire. Un rire provenant de Celsius, visiblement amusée par la situation. Elle riait d'un rire clair et léger qui apaisa tous ceux qui l'entendirent. Au même moment, le groupe s'arrêta à nouveau devant les portes de la cantine. Mais Soleil étant trop captivé par le rire de sa nouvelle amie, il se cogna dans Pression, les faisant presque tous les deux tomber par terre.*
On leur servit des légumes, chose que Soleil détesta au plus haut point. Il se força tout de même, son estomac prenant la priorité sur son palais.
Ils s'étaient à nouveau installés à une table de six, cette fois avec Celsius et Analyse, qui semblait en avoir marre de rester avec Pensée et les jumeaux. Là, Électrique commença à expliquer à Soleil ce qu'était les tâches de rousseur.
D'après ce qu'il avait comprit, il s'agissait de petits points colorés qui apparaissait sur le visage des personnes aux cheveux roux (ou juste avec une peau clair) durant leur enfance à cause du soleil.
- Si ça se trouve, peut-être qu'elle en aura si tu restes à côté d'elle trop longtemps, plaisanta Analyse, dont la blague fit rire tout le monde sauf les deux intéressés.
- Tiens, ils ont mis du sirop dans l'eau, commenta soudainement Circuit, son verre à la main.
Soleil, profitant que l'on arrête de parler de son manque de connaissances, but une gorgée : c'était délicieux. Alors que l'eau paraissait parfaitement normale en extérieur, elle avait en réalité une indescriptible saveur douce et sucrée. Le G4 y prit vite goût et finit son verre d'une traite.
- C'est super tout ça, dit Pression en baillant, mais j'aimerais bien qu'ils nous disent pourquoi on est ici, quand même. Parce que le cratère est très joli est la nourriture est bonne, mais on a toujours aucun souvenirs.
- Ça va venir, répondit Électrique. On a déjà été dans une salle de classe aujourd'hui ; je suis sûr qu'on va en apprendre plus sur tout ça.
- Il y a intérêt.
Après ça, les G4 mangèrent un dessert (que Soleil apprécia bien plus que le plat principal) en silence avant que Savoir ne les rassemble.
- Bon, j'espère que cette première journée vous aura plu, dit-elle en les menant dans le couloir. Demain, on commence les cours, alors dormez bien.
Personne ne parla durant le trajet, Soleil assuma qu'ils devaient tous être aussi fatigués que lui. Ce dernier était tellement épuisé qu'il n'arrivait même plus à se tenir droit. Tout ce qu'il désirait maintenant était de s'allonger quelque part et de s'endormir. Il commença même à fermer les yeux en marchant, et lorsque le groupe s'arrêta, il ne le remarqua pas et bouscula encore quelqu'un.
- Le dortoir des filles est à droite, celui des garçons à gauche, déclara Savoir sans montrer le moindre signe de fatigue. Vous avez deux heures pour vous laver et aller vous coucher, bonne nuit ! Ah oui, et n'oubliez pas de laisser vos chaussures au pied de votre lit avant d'aller à la douche.*
Après avoir dit au-revoir à une Celsius qui ne semblait pas très enjouée à l'idée de quitter ce qu'elle avait l'air de considérer comme son seul ami, Soleil se rendit dans le dortoir des garçons.
La longue salle comportait deux rangées de lits superposés. Soleil et Pression se mirent d'accord pour se mettre ensemble, mais le plus grand insista pour prendre le lit du dessus. Peu après, un G4 que Soleil ne connaissait pas avertit tout le monde qu'une porte au fond du dortoir conduisait à des douches et qu'une autre révélait une immense penderie comportant des centaines de tenues et de pyjamas, tous blancs. Soleil alla donc en chercher un avant de se diriger vers les douches.
Après être rentré dans l'une des cabines, Soleil détailla l'endroit. La cabine n'était pas très grande, mais il fut surprit de constater qu'elle comportait un grand miroir dans lequel il pouvait se voir en entier. Ça faisait bizarre, et en y repensant, c'était surtout la première fois qu'il se voyait lui-même !
Il avait les cheveux châtains coupés courts et des yeux marron. Rien de bien spécial en somme. Mais en se regardant de plus près, il se rendit compte à quel point il avait l'air jeune. Pas d'acné, une pilosité inexistante... Il ressemblait à un enfant dont le corps aurait grandit trop vite. Ses amis lui avaient donné treize ans, mais il n'était désormais plus si sûr de leur verdict. Gardant cela en tête, le G4 se déshabilla, mit ses vêtements dans une corbeille prévue à cet effet et entra dans la douche.
Quelques minutes plus tard, en retournant au dortoir lavé et changé, il décida de s'assoir sur son lit et d'attendre les autres qui arrivèrent presque immédiatement.
- On aura rien apprit aujourd'hui du coup, se lamenta Électrique en s'effondrant sur le matelas voisin de celui de Soleil.
- Ils vont pas tout nous dire dès le début, ça serait pas marrant, ironisa Tranchant depuis le haut du lit en face d'Électrique.
- En tout cas, je crois qu'on est partis pour rester ici pendant un bon moment, dit Pression en grimpant l'échelle menant à la place qu'il avait choisie.
Électrique et Tranchant le regardèrent d'un air mélangeant fatigue et étonnement.
- Tu pensais sérieusement qu'avec toute cette mise en scène, ils nous relâcheraient au bout d'une journée ? demanda Tranchant.
- Nous relâcher ? souligna Circuit, dans le lit au dessus d'Électrique.
- Je sais pas. J'ai pas vraiment l'impression qu'ils nous laisseraient partir si on leur demandait gentiment.
- On sait même pas à quoi ressemble le monde extérieur, intervint Électrique. Si ça se trouve, c'est super dangereux dehors et c'est mieux de rester ici.
- Ou alors on est tous des criminels à qui on a juste effacé la mémoire parce qu'on était des enfants, et ce charmant petit Ordre est en fait une prison.
Électrique et Tranchant continuèrent de débattre, tombant dans un nouveau concours de théories. De son côté, Soleil préféra se glisser sous les draps blancs de son lit, s'isolant des conversations. Rapidement, il commença à se sentir sombrer dans le sommeil malgré les lumières au plafond toujours allumées.
- Et toi, Soleil, tu penses qu'on est là pour quoi ? demanda alors Circuit.
Il aurait bien voulu répondre à cette question, mais Soleil était déjà trop loin pour y réfléchir. Tout juste parvint-il à formuler une dernière phrase dans son esprit avant de totalement s'assoupir.
- Ah oui, je voulais parler de quelques chose en rapport avec le cratère à Électrique. Tant pis.
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